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Quand j’ai écrit le billet précédant, j’étais encore dans le temps de l’action, l’action qui vise à aménager le dispositif auquel nous devons nous soumettre. Je pouvais intellectuellement voir tout le bien qui pouvait en sortir. Et voir ce que je pouvais « faire » de tout ce temps retrouvé. D’un coup. J’étais même enthousiaste d’une certaine façon … une aventure excitante à vivre, autant le prendre comme cela puisque nous n’avons pas le choix. Hein ? quoi ? pourquoi vous parlez de déni ?

2 jours plus tard, me voici en colère … angoissée …. Impuissante … La réalité de ce qui nous attend vraiment m’est tombée dessus : une retraite forcée, sans aucune idée du temps qu’elle va durer, et sans porte de sortie si je craque. Annoncée pour 15 jours nous savons tous que cela va durer plus longtemps. Mais c’est combien plus longtemps ? 6 semaines ? 2 mois ? 6 mois ? un an ?

La perspective pour certains d’une longue solitude et d’une confrontation inéluctable avec leur ombre*, pour d’autres de huis clos effroyables. Le sevrage brutal de tout ce à quoi nous sommes addict (le bruit, le sport, le travail, la nourriture, les substances, la solitude, le contrôle, la nouveauté …) pour supporter tout ce que nous ne supportons pas dans notre vie mais que nous n'avons pas le courage de changer : autocritique, lâcheté, égoïsme, narcissisme, couleurs et aménagement de notre intérieur, vie à la ville ou à la campagne selon, choix de métier, d’ami.e.s ou de conjoint, la vie tout simplement ….

Nous avons beau clamer, moi la première, que c’est une super occasion de revisiter sa vie et ses choix pour se mettre plus en accord avec notre « moi profond », un confinement de longue durée risque fort de déboucher sur des remises en question radicales, douloureuses même si salutaires car il pourrait y avoir des dégâts collatéraux. Je ne parle pas ici de l’économique … je ne parle que de l’opération de réaménagement que ce temps de retraite forcé va imposer à chacun.e, qu’il/ elle y soit prête ou non. Et pour être honnête, à l’heure où j’écris, cela pourrait me faire plus peur que l’idée (assez virtuelle malgré mon mal de gorge) d’une contamination mortelle. ;-)

Comme dans une guerre, nous allons apprendre à mieux nous connaitre, que nous le voulions ou non, que nos découvertes nous plaisent ou non.

Alors c’est parti ! 

Chapitre 1 : le Déni :

« Nous sommes en guerre » : c’est par ces mots que le Président Macron a annoncé le 16 mars au soir et justifié l’annonce d’un confinement de la population française à compter du 17 mars 2020 dans l’espoir de faire barrage à l’épidémie de coronavirus qui commence à flamber en France et à mettre à genou les services de réanimation hospitaliers.

On pouvait le voir venir ce confinement. Rien qu’à regarder nos voisins italiens, et avant eux, nos amis chinois … Mais non, dans une douce euphorie, nous avons accepté de nous bercer de l’illusion que seuls les chinois l’attraperaient (la faute aux pangolins, ou peut-être aux chauves-souris qu’ils mangent). Comme en d’autres temps seuls les homos et les toxicos étaient supposés attraper le SIDA. Et que le virus ne passerait pas les frontières, comme en d’autres temps le nuage de Tchernobyl ne devait pas passer la frontière franco-allemande. Ou que notre système de santé pourtant déjà épuisé par des années d’austérité saurait mieux gérer que le système chinois.

Bref, nous nous sommes comportés comme des enfants, croyant les histoires de Père Noël et de petite souris que l’on nous racontait, ou plutôt ne voulant pas tirer les conséquences de ce que le bon sens nous soufflait à l’oreille : l’épidémie, que tous les épidémio savent devoir arriver un jour dans un monde de libre circulation des personnes et des biens, est là, devant nous. Mortelle un peu, mais surtout assassine de notre mode de vie et de nos revendications puériles : « je veux pouvoir faire tout ce que je veux, quand je veux ». Et si d’aventure quelque chose devait tourner mal, « les autorités », ou bien « l’Etat » seront sommés de venir remédier à nos ennuis. Ainsi le skieur hors-piste, l’alpiniste, ou le véliplanchiste qui exigent que les secours viennent les chercher au péril parfois de leur vie. L’ivresse et l’audace sans les risques … Là c’est un peu pareil, je veux pouvoir voyager, fêter mon anniversaire en famille, ou bien conduire en état d’ébriété, il doit y avoir, il y aura toujours des médecins et des infirmières pour me sauver la mise. Des enfants gâtés ; voilà ce que nous sommes …

…. Non, juste des enfants en fait … encore dans l’illusion d’omnipotence décrite par les spécialistes de la petite enfance. Je veux, je fais … Le monde est à mon service. D’ailleurs, il n’y a pas vraiment de Monde en dehors de moi. Ce que je veux, le Monde le veut.

Le déni est l’endroit où je choisis de rester dans ce délire (« encore un instant monsieur le bourreau ») … C’est la famille qui se réunit pour fêter les x printemps de la grand-mère, et qui pense qu’en cas de pépin, on l’intubera. C’est moi qui suis prête le 15 mars à recevoir mes clients le lendemain pour autant que nous restions à 1 mètre de distance et que nous nous lavions bien les mains au gel hydro alcoolique, peu importe si nous devons tous prendre le métro pour cela (et bien, quoi ? on nous a dit qu’il fallait continuer à travailler). C’est un collègue médecin qui une semaine après la mise en place du confinement continue à recevoir ses patients sans trop de précaution, au motif que … « je ne suis pas malade ». Genre le confinement, c’est pour les malades.

Cette épidémie vient nous rappeler à une triple réalité : 1- nous sommes mortels ; 2- nos choix ont des conséquences, positives ou négatives ; 3 - les choix des uns ont des conséquences sur tous ! Impermanence, loi du Karma et interdépendance …

C’est une gifle, non que nous soyons totalement ignorants de ces lois fondamentales, mais parce que nous pouvions vivre comme si ça n’était pas totalement réel, comme si ça ne s’appliquait pas à nous. Comme si en étant suffisamment futés, nous pouvions espérer échapper à ces réalités. C’est le deuil de cette illusion que nous avons à faire. Le deuil est si grand que d’un certain point de vue, je (qui est ce « je » ?) préférerais en mourir. Car oui, quelque chose de moi va devoir mourir : ma santé mentale (le délire est toujours une option 😊) ou l’enfant tout puissant en moi, l'Ego. Et dans les deux cas de figure, ce « je » n’a aucune envie d’être là pour voir ça. 

Prochain billet : la colère !

Prenez soin de vous.

* L'ombre est un concept défini par Jung de la façon suivante : « L’ombre est quelque chose d’inférieur, de primitif, d’inadapté et de malencontreux, mais non d’absolument mauvais. » (C.G. Jung L'Âme et la vie, LGF - Livre de Poche, 1995).

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